Grèves générales, pneus qui crament devant les facs, rues désertes, colonisées par les terrains de foot, stands de carnaval en construction, “scannerisation : 25 gourdes”; vendeurs à clochettes, tous les matins, 6h, 6h30, 7h; chants de messe reggae et konpa love dans l’église d’à côté, chat qui miaule à 300 bpm; bar en plein air, les tables entre les voitures d’un parking au Champs de Mars, troubadours; répétition avec BIC et ses musiciens à l’Institut Français, Institut Français: ombragé, calme, verdure; traffic routier de retour en force et poussière, homme qui bat une vieille femme entre les bouchons sur l’autoroute; bande à pied dans une fête de comité d’entreprise de la Sogebank; Bel-air; Christ-Roi; fripes pour trouver des chaussures; chauffeur de taxi sourd; bonjour chérie donne-moi pour 10  gourdes de pain siouplé; bananes et eau de cuisson du riz; griot, tasso, pâté, picklies; baptême vip à Pétion-Ville sur le flanc d’un morne, vasques à strass et ballons, fromage, décolletés plongeants; compression, débat animé et bruyant sur tes genoux dans les transports; marché Salomon, mouches, viande à l’air, mec qui crie “brouette”; Prestige “chemisette” (tellement glacée que la bouteille revêt un habit de givre); Sanba Arena de nuit, sans lumière, bande rara qui répète dehors à la lueur du réverbère, tambour.

Congé: avec Roosevelt, on monte sur la montagne. Fort-Jacques: ruine de fort, canons rangés à cause du séisme (portée de 3 à 5 km), gros lézard et grosses lézardes; vue vertigineuse sur la plaine de Port-au-Prince, Pétion-Ville et l’hôtel Oasis. Kenscoff: “café du soir” (cocktail local) toute la journée, le refuge au sommet, pique nique de supermarché de produits importés (bizarres le “dry salami” et le “comté”). Ruine d’hôtel inachevé commencé sous Jean-Claude Duvalier en 1986. Colo religieuse de sortie qui joue au foot. BIC sort sa guitare, les groupies rappliquent; Papi clochard qui transforme les paroles en chanson paillarde; bande de torchés qui débarquent en pick-up pour continuer leur carnaval. Griot, tripes et banann peze sur la route du retour.

Bel-air, “en bas-la ville”. Marché de fer. On cherche le fabricant de konè, les instruments à vent des bandes rara. Nelson pose des questions à plusieurs personnes mais le type paraît avoir changé plusieurs fois de coin. Dans la halle (reconstruite par Digicel après le séisme), Marion demande des infos sur les différentes poudres à un marchand d’objets destinés aux cérémonies vaudou.

Bel-air, Port-au-Prince. On revient voir le fabricant de konè à qui on avait rendu visite quelques jours auparavant. Je veux entendre l’entretien que fait Marion avec Boss d’Or (c’est son nom), mais Nelson me branche sur un type, casquette, crucifix et gonflette, qui me sort son baratin pendant une demi-heure. Ça fait rigoler Nelson, qui à chaque fois reste silencieux et regarde comment on s’en sort. En créole. Et en rétention de numéro de téléphone.

Marche sous le soleil et jeep climatisée, les pieds dans l’herbe à Kenscoff et dans les ordures anba-lavil, les cabanes en tôle et les vérandas ombragées, les petit-dèj à domicile et le riz-sauce-pwa-poulet dans une barquette en polystyrène, le marché Salomon et le supermarché Roi des rois, un tournage de clip à Delmas 75 et une session tambour improvisée dans un lakou à Pacot, une fête de bande rara et les studios de Radio Télévision Caraïbes, gens souriants/drôles/généreux et vieux racistes/soûlards/fous …